Vous recherchez un candidat… responsable
Idées reçues
8 juillet 2020
Par Rami Kechteil
Vous recherchez une personne responsable, et pas forcément un responsable (hiérarchique). À la différence du substantif, le qualificatif “responsable” ne réfère pas à une fonction, mais à un trait de personnalité intrinsèque à l’individu et qui structure ses attitudes profondes comme ses comportements quotidiens. Tentons de préciser…
Pendant un entretien de recrutement, à un candidat qui exprime l’importance pour lui d’occuper un “poste à responsabilités”, il est souvent intéressant de demander des précisions : à quels types de responsabilités pensez-vous ?
Fréquemment, votre interlocuteur évoquera des responsabilités hiérarchiques. C’est une ambition classique. Commander, encadrer, diriger, manager, qu’importe le mot, c’est une position de pouvoir. Et un indice de réussite sociale : je manage une équipe de 120 personnes.
Pour répondre à la même question, d’autres, plus rares, parleront de la possibilité de prendre des décisions aux conséquences importantes, notamment financières, et de les prendre sans être obligé d’en référer préalablement à une autorité supérieure.
Combien parleront de porter la responsabilité globale d’une mission ?
Quelqu’un de responsable…
Inutile d’occuper un poste à responsabilités pour s’affirmer comme une personnalité responsable : raisonnable, sérieuse, réfléchie… le contraire d’une personnalité inconséquente, négligente, écervelée…
Avoir des responsabilités est lié à l’organigramme et au mode de gouvernance de l’entreprise.
Être une personne responsable, c’est un trait de personnalité
D’une façon ou de l’autre, une personne responsable est soucieuse des conséquences de ses actes, de ses paroles, de ses comportements… Elle pense avant tout à leurs résultats, à leurs résultats de toute nature, pas forcément mesurables.
J’observe parfois cet homme qui nettoie quotidiennement la cour du 116, sous les fenêtres de nos locaux, un homme déjà âgé et salarié anonyme d’une entreprise de nettoyage.
Mille petits gestes en témoignent, celui-là prend les choses à cœur. Il ne balaie pas la cour, il en assure une netteté irréprochable. Chaque jour. Comme si le Président de la République lui-même allait nous honorer de sa visite.
J’observe notre homme, à la dérobée, dans sa vérité sans apprêt, dans sa motivation intrinsèque – que d’aucuns jugeraient déplacée. Lui prend les choses au sérieux, très, chaque détail. Inutile qu’un supérieur vienne superviser son travail. C’est manifeste, il est responsable lui, personnellement.
Indifférent à son statut d’employé, il s’emploie.
Il s’emploie tout entier pour sa mission humble et glorieuse : la propreté de la cour. Peu lui importe l’indifférence distraite des candidats concentrés sur leur prochain entretien. Peu lui importe même celle de sa hiérarchie invisible tant que personne ne se plaint de son travail.
Lui s’emploie.
Vous l’avez compris, ce qui distingue une personne responsable, c’est sa façon intime d’envisager son travail.
Quel que soit leur niveau de responsabilité, certains se conduisent en exécutants, et d’autres en responsables.
Les premiers endossent une charge de travail, les seconds se chargent d’une mission.
Les premiers veulent faire bien, les seconds réussir.
Les premiers exécutent des tâches définies par avance, les seconds réfléchissent à tout ce qu’ils pourraient faire pour atteindre leur objectif.
Les premiers “cochent les cases” (ça, c’est fait), les seconds travaillent à l’efficience de chacune de leur tâche, de chaque action. Ils mesurent les avancées et les retards.
Les premiers font ce qui a été établi, les seconds évaluent l’utilité effective de chaque pratique, même instituée. Ils imaginent des actions correctrices, des évolutions.
Les premiers se satisfont de la qualité d’exécution (ponctualité, absence d’étourderies, régularité), les seconds répondent des résultats.
Et les vérifient…
Chaque jour, avant de ranger son balai et de quitter son service, notre homme jette un dernier regard sur sa cour, concentré, vigilant. Il s’assure que rien ne cloche. Un semblant de mégot lui aurait-il échappé, un débris végétal, un bout de papier ? Non. Tout est impeccable. Je devine un sourire imperceptible sur son visage, une fierté, celle d’avoir sa part dans le rayonnement international de la plus belle avenue du monde, sa part à lui, la cour du 116.
Vous ne cherchez pas un agent d’entretien. Le poste à pourvoir est d’une autre dimension. Mais précisément, pour ce poste-là, parmi tous ceux qui détiennent les compétences nécessaires et utiles, ne vous féliciteriez-vous pas de détecter la perle, une personnalité aussi responsable ?