La vie comme au premier jour

Billets d'humeur

11 mai 2020

Par Stephane Chekroun – Associé chez Selescope
Lundi 11 mai 2020

 

Cher journal. Nous y sommes. Il va falloir mettre un point final à notre conversation intime. Tu l’as compris aujourd’hui est le premier jour du reste de ma vie.

Je me dirige vers les bureaux du 116 de l’Avenue des Champs Élysées. La plus belle avenue du monde. Elle l’est restée. Au petit matin, sans fard mais belle sous ce ciel indécis.

Comme un enfant pour la rentrée après les “grandes vacances”, depuis quelques jours, je me suis préparé.

D’abord, penser au dress code. Jour de retour à la vie sociale oblige. Soigner le détail. Ajuster le niveau de négligé. Donner une bonne impression, une nouvelle bonne première impression…

Les collègues… Nous allons nous retrouver… Personne n’aura à attirer l’attention ! Chacun sera objet d’attention – et lui-même attentif au moindre geste de chacun de ses collègues, guettant les signes. Comment va-t-il ? Comment s’en est-il sorti ?

Nous allons nous retrouver… Mais amputés des codes si bien rodés de nos retrouvailles antérieures : pas de poignées de main, d’accolades, d’embrassades ou de bisous, de bourrades tapageuses…

Par vocation, la vie sociale n’est jamais le théâtre d’une pleine spontanéité. Elle est codée. Des codes qui favorisent les échanges. Comme le Code de la route facilite la circulation : des personnes et des biens, des idées aussi, même des sentiments…

Mais voilà, les codes qu’il convenait de respecter hier sont aujourd’hui devenus des interdits.

Ces derniers jours, j’ai imaginé des gestes, des salutations, des attitudes… comme pour camper mon personnage dans une pièce dont le scénario n’est pas écrit. Que dîtes-vous après avoir dit bonjour ? Comment se dit-on bonjour ? Tout à réinventer !

Comment exprimer son humanité, ses sentiments, notre fraternité redécouverte… au-delà des gestes barrière ?

Je m’imagine déjà dans l’open-space… des cases seront vides… sorte de jeu d’échecs ou tel un fou réfléchi, je chercherai les plus longues diagonales pour préserver les bonnes distances sociales…

Aujourd’hui, garder de la spontanéité dans nos échanges ne sera pas aisé. Mais après tout, pour son premier rendez-vous amoureux, chacun est un peu emprunté, chacun se prépare, chacun maladroit…

Dans une certaine mesure, aujourd’hui, chaque rencontre aura un peu de l’éclat d’une première rencontre. C’est toujours la première fois.

Et je n’ai pas de doute. Malgré le “masque” des compositions savantes, surgiront à l’improviste des moments d’humanité authentique, des larmes sincères, des rires involontaires, des regards, surtout des regards… expressifs comme ceux des orientales voilées… Des regards qui seront de l’âme pour l’âme.

Aujourd’hui est le premier jour du reste de ma vie. Je l’ai décidée belle. Précieuse.

 

 

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