Journal confiné – Jour 9 : Ma moitié

Billets d'humeur

25 mars 2020

Par Stephane Chekroun – Associé chez Selescope
Mercredi 25 mars 2020

À la dérobée, je regarde ma femme.

On connaît des choses des personnes que l’on aime, jamais on ne les connaîtra totalement. Pas même sa femme. Même après des années de mariage.

Je regarde ma femme. Je la regarde travailler. C’est la première fois. Elle avait pris le parti de ne jamais faire entrer le boulot dans la maison. De préserver notre sphère intime. D’y être exclusivement épouse et mère…

Je regarde ma femme à la dérobée, mais elle n’est pas dupe. Elle ressent mon étonnement, presque de la fascination. Elle affecte d’être totalement concentrée sur son travail. Elle l’est. Mais elle en rajoute aussi un peu, je crois bien. Elle m’apparaît comme transcendée par les responsabilités qui sont les siennes.

Skype est une porte ouverte. Les membres de son Codir se sont invités à la maison. Sans manières. Notre fille et moi, spectateurs plongés dans l’ombre, on fait silence. Ma femme est épatante et drôle à la fois : quand elle outre le ton et jargonne “comptable” pour montrer à bibi qui c’est la patronne. Un spectacle à huis clos qui régale son petit public. Sa culture professionnelle métamorphose la maison tout entière. Notre home sweet home est méconnaissable.

La femme que je connais, la mère de notre fille, est d’un naturel peu policé, “mal polie” sourirais-je, le verbe plus vivant que convenu, haut en couleur, imagé. La directrice que j’observe, médusé et amusé, est toute autre, sobre, précise, efficace… professionnelle ! Comme si elle avait mis la cravate. C’est un autre personnage. Elle jongle avec les codes de son milieu professionnel et de son métier. Avec aisance et naturel. D’évidence, c’est pour elle une seconde nature. Je la découvre.

L’aurais-je recrutée ? Comment se serait-elle comportée en entretien de recrutement ? Aurais-je su détecter l’étendue de ses qualités ?

Je l’espère. C’est mon métier, ma compétence : découvrir la personnalité profonde sous le masque des apparences, identifier les savoir-être de chaque candidat, prédire comment la personne s’adaptera à son job et à son entreprise.

Mon métier est de prophétiser les comportements professionnels futurs.

Sous mes yeux, ceux de ma femme sont présents, manifestes, souverains.

Sûr, ma femme est une reine dans sa profession.

Contactez-nous
shape
shape